Djibouti – 30 ans après : l’affaire du juge Borrel reste une plaie ouverte

Publié le 21 octobre 2025 à 23:54

Djibouti – 30 ans après : l’affaire du juge Borrel reste une plaie ouverte

Trente ans après la mort du juge français Bernard Borrel à Djibouti, le mystère demeure entier. Ni la justice française ni la justice djiboutienne n’ont permis d’identifier clairement les responsables. Et malgré des décennies d’enquêtes, le secret-défense continue de bloquer l’accès à des informations cruciales.

Pour la veuve du magistrat, Élisabeth Borrel, également juge aujourd’hui à la retraite, « le dossier est au point mort, mais il reste ouvert ».

Un drame maquillé en suicide

 

Le 18 octobre 1995, le corps calciné de Bernard Borrel, 40 ans, est retrouvé dans un ravin à 80 kilomètres de Djibouti-ville. D’abord présentée comme un suicide, la mort du magistrat arrangeait aussi bien Paris que Djibouti : l’affaire pouvait être rapidement close sans remous diplomatiques.

Mais douze ans plus tard, en 2007, le parquet de Paris reconnaît finalement un acte criminel. Et en 2017, une nouvelle expertise balaie la thèse du suicide : le juge a été frappé avant d’être brûlé.

Le meurtre est désormais établi. Reste à savoir par qui et pourquoi.

Des pistes sensibles

Deux hypothèses persistent.

D’abord, le juge Borrel aurait pu détenir des informations compromettantes sur l’attentat du Café de Paris en 1990, qui avait coûté la vie à un enfant français.

Une autre piste évoque un trafic d’uranium enrichi vers un pays du Moyen-Orient, un dossier explosif sur lequel Borrel aurait enquêté discrètement.

 

Quelques heures avant sa mort, il avait retiré 50 000 francs français en liquide, une somme retrouvée intacte à son domicile. Tentative de chantage ? Achat d’un échantillon sensible ? Le mystère reste entier.

Témoignages et accusations explosives

 

L’affaire prend une tournure politique en 2000 lorsque Mohamed Saleh Alhoumekani, ancien officier de sécurité djiboutien réfugié en Belgique, accuse directement Ismaïl Omar Guelleh (IOG) — alors chef de cabinet du président Hassan Gouled Aptidon — d’avoir évoqué la mort du juge le jour même de la découverte du corps.

Depuis, le président Guelleh nie toute implication et dénonce « une affaire franco-française », rejetant toute responsabilité de son pays.

Une affaire qui dérange deux États

 

Cette tragédie gêne à la fois Paris et Djibouti. La France, qui maintient sa principale base militaire en Afrique dans la capitale djiboutienne, a tout intérêt à ménager son partenaire stratégique.

De son côté, Djibouti refuse d’être associée à ce dossier qu’elle considère comme une manœuvre politique française.

Mais les dysfonctionnements judiciaires côté français sont nombreux :

  • Pas d’autopsie lors du rapatriement du corps.
  • Des scellés détruits « par erreur » en 2014.
  • Et en 2020, la justice reconnaît la responsabilité de l’État français pour faute grave.

 

Secret-défense : la vérité sous scellés

 

 

Depuis 1995, le secret-défense freine les investigations. Les rares documents transmis à la justice sont souvent caviardés, donc inutilisables.

En 2018, le juge d’instruction français Cyril Paquaux dénonce publiquement cette situation : « Ces documents déclassifiés sont inexploitables ».

 

Élisabeth Borrel, soutenue par le collectif « Secret-défense, un enjeu démocratique », réclame la déclassification totale des pièces.

« Je veux juste connaître la vérité. Même si elle est couverte par le secret-défense », confiait-elle à Ouest France.

Une question de vérité et de souveraineté

 

Trente ans après, la vérité reste enfouie entre intérêts d’État, alliances militaires et secrets partagés.

À Djibouti comme à Paris, la question dérange :

Qu’ont donc à cacher les deux capitales ?

Tant que le secret-défense ne sera pas levé, le doute, lui, continuera d’exister.


 

Rédaction DNL – Djiboutian News Libre

21 octobre 2025

Djibouti-ville


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