Djibouti : la surveillance numérique remplace les méthodes traditionnelles de répression
Par notre correspondant
À Djibouti, les autorités semblent avoir opéré un glissement stratégique dans leur gestion de la dissidence. Alors que, historiquement, le régime recourait à l’envoi d’émissaires dans les lieux de sociabilité traditionnels – notamment les mijilis, ces conseils communautaires – pour surveiller, identifier et dissuader toute critique à l’encontre du gouvernement ou du président Ismaïl Omar Guelleh, une nouvelle forme de contrôle émerge. Celle-ci, plus discrète mais potentiellement plus intrusive, s’appuie désormais sur la surveillance numérique.
Des sources locales et des défenseurs des droits humains évoquent une montée en puissance des unités spécialisées dans la veille des réseaux sociaux et des espaces numériques, chargées d’identifier toute forme de discours critique. Les plateformes comme Facebook, WhatsApp ou TikTok, qui offraient jusqu’alors des espaces d’expression relativement sûrs, sont désormais scrutées de près. Certains utilisateurs affirment avoir été arrêtés ou convoqués après la publication de simples messages perçus comme critiques envers les autorités.
Ce durcissement du contrôle s’inscrit dans une dérive plus large : Djibouti s’enfonce de plus en plus dans une forme d’État policier, où la surveillance, qu’elle soit physique ou numérique, devient un outil systématique de dissuasion politique. Ce constat est partagé par plusieurs ONG internationales, qui dénoncent un rétrécissement constant de l’espace civique.
Le recours à cette police numérique s’inscrit également dans un contexte où les libertés fondamentales restent fortement restreintes. Djibouti est régulièrement épinglé par des organisations comme Human Rights Watch ou Amnesty International pour les atteintes à la liberté de la presse, à la liberté d’expression et aux droits civiques.Le président Guelleh, au pouvoir depuis 1999, est souvent qualifié d’autoritaire, notamment en raison de la faible ouverture politique et du manque de pluralisme démocratique dans le pays.
L’infiltration numérique des cercles sociaux, autrefois protégés par leur ancrage communautaire et oral, pourrait durablement fragiliser la cohésion sociale. Les mijilis, historiquement un lieux de dialogue, deviennent des espaces sous surveillance, où la parole se fait rare et prudente.
Pour de nombreux observateurs, cette stratégie numérique ne fait que prolonger, sous une forme plus moderne, un schéma de répression bien rodé. La différence majeure : l’omniprésence des outils technologiques permet une surveillance plus étendue, moins visible, et potentiellement plus efficace.
Face à cette évolution, les appels à une protection des libertés numériques se multiplient. Des acteurs de la société civile, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, appellent à une mobilisation régionale et internationale pour garantir un espace d’expression libre, en ligne comme dans la vie réelle.
@DNL

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