Par DNL_ avril 2025
@DNL National | INVESTIGATIONS
Dans une démarche résolument tournée vers la réappropriation de son patrimoine et de son identité, la République de Djibouti a engagé une opération majeure de renommage des rues et boulevards de la capitale.
Un effort symbolique mais significatif, qui vise à tourner la page de la toponymie coloniale tout en honorant les figures et les lieux emblématiques de l’histoire nationale et régionale. Les rues de Djibouti-ville, autrefois nommées selon une logique imposée de l’extérieur souvent en hommage à des personnalités ou des villes européennes , se voient désormais réattribuer des noms en cohérence avec la mémoire collective du peuple djiboutien. Cette initiative s’inscrit dans un mouvement de réhabilitation historique et culturelle, amorcé depuis plusieurs années par les autorités municipales et le ministère de la Culture.
Parmi les changements les plus notables figurent :
• Rue Roosevelt devient Rue Hamoudi, en hommage à la célèbre mosquée et à la figure religieuse associée.
• Rue des Afars et Rue des Issas deviennent respectivement Rue Abdallah Gadid et Rue Houmed Loita, honorant deux figures majeures de la cohésion nationale.
• Avenue 26 devient Avenue Ali Bahdon, du nom d’un haut cadre djiboutien ayant marqué l’administration nationale.
• Voie type E devient Avenue Gachamaleh, en lien avec le patrimoine culturel local.
• La grande artère partant du rond-point d’Einguela jusqu’à l’avenue des Messageries est désormais scindée en deux segments : Avenue Cheikh-Osman et Avenue Georges-Pompidou.
• Rue de Soleillet, associée à l’époque coloniale, devient Rue Ali Coubèche, figure respectée du paysage politique djiboutien.
Par ailleurs, des artères importantes ont été baptisées en l’honneur de personnalités contemporaines issues du cercle présidentiel.
Le Boulevard Idriss Omar Guelleh, situé dans le quartier du Plateau du Serpent, est une artère stratégique abritant des institutions telles que l’Ambassade de France et l’Hôpital Peltier.
De même, la Rue Mahamoud Haid parfois orthographiée Rue Kadra Mahamoud Haid traverse le Quartier 3, où se trouvent plusieurs établissements commerciaux comme le Camel Coffee Shop.
Un équilibre délicat entre rupture et continuité Si certaines artères portent encore les noms de villes étrangères
— Rue de Tokyo, Rue de Bonn, Rue de Pékin cela traduit une volonté diplomatique de maintenir les liens de coopération avec les partenaires historiques de la République de Djibouti. Pour autant, de nombreux citoyens appellent à une refonte plus exhaustive de la nomenclature, afin de refléter l’histoire plurielle des peuples afars, issas, et des autres communautés djiboutiennes. Dans ce contexte, plusieurs observateurs notent que certains noms attribués récemment à des rues ou infrastructures rendent hommage non pas à des figures historiques consensuelles, mais à des membres des familles proches du couple présidentiel actuel notamment des figures issues des lignées Guelleh ou Kadra, parfois éloignées de tout rôle public ou historique établi. Ce choix, bien que justifié par certains comme une reconnaissance symbolique, suscite des interrogations sur l’impartialité du processus de renommage et son ouverture à l’ensemble du patrimoine collectif djiboutien.
Voici une sélection des rues et boulevards de la ville de Djibouti, reflétant son histoire, sa diversité culturelle et ses relations internationales :
1- Boulevards et avenues principaux
• Boulevard de la République
• Avenue Gamal Abdel Nasser
• Avenue Georges Clemenceau
• Avenue Cheikh-Osman
• Avenue Georges-Pompidou
• Avenue Ali Bahdon (anciennement Avenue 26)
• Avenue Gachamaleh (anciennement Voie type E)
2- Rues nommées d’après des capitales ou villes internationales
• Rue du Caire
• Rue de Bonn
• Rue de Pékin
• Rue de New-York
• Rue de Tokyo
• Rue de Montréal
• Rue de Ryad
• Rue de Moscou
• Rue de Londres
• Rue de Dakar
• Rue de Khartoum
• Rue de Mogadiscio
• Rue de Nairobi
• Rue de Kampala
• Rue d’Addis-Abeba
3- Rues honorant des figures locales
• Rue Sayed Ali Al-Sakaf (ancien cadi de Djibouti)
• Rue Sayed Hassan Abdallah (ancien imam de la mosquée Hamoudi)
• Rue Bouh Gaour (ancien okal général à Dikhil)
• Rue Assa-Kouyoudda (ancien okal général de Goda)
• Rue Abdallah Gadid (anciennement Rue des Afars)
• Rue Houmed Loita (anciennement Rue des Issas)
• Rue Hamoudi (anciennement Rue Roosevelt) 4- Autres rues notables
• Rue de Soleillet
• Rue de l’Administrateur Bernard
• Rue des Ambassades
• Rue des Mouches (ancien souk historique de Djibouti)
Une politique toponymique imposée d’en haut ?
Alors que Djibouti connaît une transformation urbaine rapide, le processus de renommage des rues demeure largement centralisé et opaque. Aucune véritable consultation citoyenne n’a été engagée, et les choix de noms semblent souvent dictés par des logiques politiques ou familiales plutôt que par un véritable dialogue national.
Cette absence de participation populaire prive les Djiboutiens de leur droit à façonner symboliquement l’espace qu’ils habitent. De nombreuses voix dénoncent un réveil toponymique mené sans les habitants, vidant de sens ce qui aurait pu être un puissant acte de souveraineté culturelle et de justice mémorielle. La mémoire collective ne peut être reconstruite durablement sans ceux qui la portent.
@DNL_INVESTIGATIONS

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