Liquidation du Fonds Souverain de Djibouti : entre désillusion nationale et risques judiciaires

Publié le 28 avril 2025 à 02:32

Djibouti, 27 avril 2025_ C’est une décision historique qui ébranle aujourd’hui la République de Djibouti.

 

Par décret présidentiel n°2025-098/PRE, le chef de l’État Ismaïl Omar Guelleh a ordonné la liquidation immédiate du Fonds Souverain de Djibouti (FSD), mettant fin brutalement à un projet qui avait nourri de grands espoirs économiques depuis sa création en 2020. Dans un décret de quelques pages, publié ce 27 avril, la présidence acté la dissolution du Fonds et nommé Hassan Issa Sultan, Inspecteur Général de l’État, en qualité de liquidateur, lui conférant « tous les pouvoirs nécessaires » pour achever l’ensemble des opérations de liquidation.

Un geste rare, aux conséquences profondes, qui jette une lumière crue sur les failles de gouvernance et la fragilité institutionnelle d’un État qui misait pourtant sur son fonds souverain pour incarner son ambition de développement. Une institution clé qui sombre dans l’opacité Né en 2020 dans le sillage d’une politique ambitieuse de diversification économique, le Fonds Souverain de Djibouti visait à investir les revenus stratégiques du pays dans des secteurs vitaux comme les infrastructures, les télécommunications, l’énergie et l’éducation. Présenté comme le symbole de la souveraineté économique nationale, le Fonds devait réduire la dépendance du pays à l’aide étrangère et soutenir son rayonnement régional. Cinq ans plus tard, la liquidation précipitée révèle un échec cinglant.

 

La dissolution sans justification officielle nourrit toutes les spéculations : mauvaise gestion chronique, conflits d’intérêts, détournements de fonds ? À défaut de transparence, la confiance des investisseurs et des partenaires internationaux est sérieusement ébranlée. Un coup dur pour l’économie et la diplomatie djiboutiennes La disparition du Fonds risque d’avoir des répercussions lourdes sur le tissu économique national. Dépourvues de cet outil d’investissement stratégique, des entreprises publiques majeures comme Djibouti Telecom ou Great Horn Investment Holdings entrent dans une phase d’incertitude.

 

À l’international, le signal envoyé est désastreux. À une époque où la rigueur de la gouvernance est un critère clé pour les investisseurs étrangers, Djibouti se présente désormais comme un État incapable de protéger ses actifs stratégiques, au risque de voir s’envoler d’importants projets d’infrastructure et de coopération. Cette crise institutionnelle ternit aussi l’image diplomatique du pays, fragilisant sa position dans une région marquée par une compétition féroce pour attirer capitaux et alliances stratégiques. Slim Feriani, figure controversée au cœur des critiques L’affaire du Fonds Souverain de Djibouti ne saurait être comprise sans évoquer le contexte explosif autour de certaines figures publiques.

 

Parmi elles, Slim Feriani, ancien ministre tunisien de l’Énergie et des Mines, dont la nomination à la tête du Fonds Souverain avait suscité une vague d’indignation tant en Tunisie qu’à Djibouti. Accusé de mauvaise gestion et soupçonné d’avoir contribué à l’effondrement du secteur des phosphates en Tunisie, Slim Feriani incarne aux yeux de nombreux observateurs l’échec de la gouvernance éthique. Même s’il n’est pas directement cité dans les récentes arrestations retentissantes en Tunisie dans l’affaire des phosphates de Gafsa — où des hommes d’affaires comme Lotfi Ali et Romdhane Souid ont été arrêtés pour corruption — son nom reste associé à une période marquée par les détournements de fonds publics et les scandales de gouvernance. Sa proximité avec des institutions clés à Djibouti est aujourd’hui perçue comme un risque majeur, exposant le pays à un risque judiciaire et à une perte de crédibilité supplémentaire. Vers une crise de confiance nationale et internationale La nomination d’une personnalité aussi controversée, puis la liquidation brutale du Fonds Souverain, exposent Djibouti à une crise de confiance aux multiples dimensions.

 

À l’interne, la population, déjà confrontée aux difficultés sociales et à un sentiment croissant d’injustice, voit dans ces événements la preuve du délitement des institutions publiques. À l’externe, les investisseurs et bailleurs de fonds internationaux pourraient être tentés de réduire, voire suspendre, leur engagement envers le pays, ralentissant ainsi son développement économique. Plus largement, c’est toute la stratégie de souveraineté économique, patiemment construite depuis plusieurs années, qui se trouve remise en cause, et avec elle la promesse d’un avenir meilleur pour la jeunesse djiboutienne.

 

Une affaire d’État en devenir ? Si aucune communication officielle détaillée n’a encore été faite sur les causes précises de la liquidation, de nombreuses voix appellent désormais à une enquête indépendante et transparente. À défaut d’une réponse rapide et crédible des autorités, le scandale pourrait se transformer en affaire d’État, avec des conséquences politiques et sociales potentiellement explosives.

 

En quelques semaines, le rêve d’un Djibouti moderne, souverain et attractif pourrait bien avoir basculé dans une crise institutionnelle aux ramifications profondes.

 

@DNL


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